Hier soir, nous célébrions l'enterrement de vie de garçon de notre ami Jean, qui se marie dans deux semaines. Après avoir pris l'apéro chez nous (le très bon "Elixir de la dernière chance", concocté par Nancy), nous avons fait subir à Jean une enquête pré-nuptiale, version maison du populaire "Wedding Game" où il devait nous dire ce qu'il pensait que son chum François avait répondu à des questions portant sur des sujets aussi rigolos (ce dont Jean parle avec sa chatte Odile) au plus profond (Qu'est-ce qui fait de Jean un bon partenaire?). Jean se méritait des "boni-dollars" qu'il pourrait dépenser à sa guise dans un sex-shop du chic boulevard Greber à Pointe-Gatineau.
Après que Jean eut dépensé sa fortune, nous nous sommes dirigés vers une institution de notre chère ville: le célèbre "Meule et caquelon", bien connu pour ses raclettes et fondues mais aussi parce que c'est un resto formule "apportez votre vin". Les gens y sont donc souvent passablement saoûls et enjoués. Je pensais que nous serions seuls, hier, étant donné que la saison estivale n'est pas le temps où nous tenons habituellement à recréer le cocooning à la Suisse. Mais non, c'était plein à craquer. Nous avons bien mangé, bien bu et surtout beaucoup parlé. Jean remarquait que le sien était sans doute l'enterrement de vie de garçon le plus profond de l'histoire... Nous avons parlé du couple (y allant de nos conseils au futur marié), mais aussi de nos expériences de rejet au secondaire. A un moment donné, je me suis tournée la tête et j'ai remarqué qu'il ne restait presque personne dans le resto. Que j'aime ces soupers où le temps file si vite, tant la conversation est intéressante. Nous nous sommes dirigés vers le lieu où aurait lieu la finale de la célébration. Non, non, nous ne sommes pas allés dans un gogo-bar. Nous avons plutôt fini la soirée au célèbre Pop-O-Bar du Boulevard Gréber.
C'était ma troisième visite dans cette véritable institution pointe-gatinoise. A chaque fois, c'est la même chose: je m'y sens plus loin de chez moi que dans les coins les plus exotiques où j'ai eu la chance de mettre les pieds. En Inde, en Haïti, au Mexique, j'étais plus près de mes racines qu'au Pop-O-Bar de ma ville. Est-ce que parce que je suis snobbe? Un peu, assurément. Mais c'est aussi autre chose. Je ne sais pas trop quoi, assise à une table devant le stage, après avoir bu un shooter de Sour Puss, je comprends un peu mieux le sentiment vécu par une immigrante Tunisienne franchement débarquée au Québec en plein mois de janvier. Autour de nous, des gars qui ont des manteaux de Harley, des filles qui aimeraient bien ressembler à Marie-Chantale Toupin, des vieux messieurs qui se cherchent en dansant la lambada avec des filles 3o ans plus jeunes qu'eux, un gars qui se défonce en essayant de faire quelque chose qui ressemble à du Break Dance. Nous en voyons de toutes les couleurs. Surtout du fluo, je dirais. Pourquoi sortir là? C'est une très bonne question. Ce n'est pas parce que nous nous y sentons à notre place, en tous cas.
Comment vous décrire le lieu? Le Pop-O-Bar se spécialise en Karaoke. Ce qui est le plus surprenant, c'est que la grande majorité des chanteurs ont de très très belles voix. Certains pourraient se présenter sans rougir aux auditions de Star Académie. Seulement ils ne sont pas jeunes et ont tous du "vécu". Les filles ne sont pas minces, les gars ne sont pas métrosexuels. Ils ont 35, 45 et même 60 ans. C'est évident qu'ils sont préparés et qu'ils possèdent tous leur "hit" qu'ils chantent, semaine après semaine. Qu'est-ce qu'ils font le reste du temps? Elles sont serveuses, ils sont commis. Mais le vendredi, au Pop-O-bar, ils se métamorphosent en Céline, en Marie-Chantale, en Boom ou en Marjo. Et ils deviennent beaux à voir. Leur rêve de jeunesse renaît, l'espace de quelques minutes où ils sont les rois et les reines de la scène et où ils semblent si heureux de "Voir le monde briller devant moé", pour paraphraser la très populaire "Chicane".
C'est peut-être pour cela que nous y retournons. Bien sûr, l'étude sociologique est fascinante: c'est à la fois intéressant et déstabilisant de se sentir si loin de chez soi, à 10 minutes de la maison. Mais je crois que si nous aimons nous retrouver au Pop-O-Bar, c'est que le show y est objectivement bon, malgré les cernes en dessous des yeux des uns et les robes plus ou moins seyantes des autres. L'étincelle au fond des yeux de ces "Star d'un soir" qui chantent leur hit vaut à elle seule le déplacement. Et, c'était cool de voir notre Jean (qui avait passablement bu) chanter fièrement devant un public conquis (nous!) ce qui sera la chanson de sa première danse, lors de son mariage.
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Marie-Eve D.