Vous avez ri de moi et non avec moi. Je vous ai
entendus prononcer mon nom et quand vous avez vu que j’arrivais, vous vous êtes
tus, en souriant. Je me suis assise à ma place. Personne ne voulait travailler
en équipe avec moi. J’ai souri, mais en dedans, j’ai pleuré. Étouffée.
Intimidée.
J’ai eu peur et je n’ai pas compris pourquoi.
Je ne vous avais rien fait. Je n’étais pas comme vous, mais pourquoi auriez-vous
voulu que je ne le sois? Et si je vous avais ressemblé, m’auriez-vous parlé? Je me
suis tue et j’ai encaissé. Laissée de côté.
Intimidée.
Je pensais être la seule à vivre ainsi dans mon
coin, à toujours me mettre à l’abri de vos silences et de vos regards détournés.
Ce n’était pas vrai. Nous sommes des centaines à avoir eu peur. À avoir peur.
Certains et certaines d’entre nous ont été battus et n’ont pas été défendus. Sont
battus et ne sont pas défendus. Ils se sont tus. Ils se taisent encore.
Bafoués.
Intimidés.
Vous ne saviez pas ce que vous faisiez, trop
occupés à cultiver votre supériorité. J’étais timide et retirée. C’était facile
de m’oublier. Vous auriez pu venir me chercher. Je vous aurais parlé de toutes
les chansons qu’il y avait dans ma tête. Je vous aurais aimé. Je ne me dirais
pas, encore aujourd’hui, que la vie est toujours plus belle chez vous. Vous
vous êtes tus et m’avez laissée de côté. Écartée.
Intimidée.
Sans le savoir, je vous ai peut-être, moi
aussi, chassés. Je ne vous ai pas parlé. Je me suis moquée. À mon tour, j’ai
voulu montrer ma supériorité. Je vous ai parlé dans le dos, en espérant que
vous n’arriveriez pas. Je ne me suis pas excusée. Je vous ai abandonnés. J’ai
fait semblant de ne pas vous connaître et j’ai tourné les yeux pour ne pas
avoir à vous parler. Désolée.
Intimidés.
Je suis désolée.
Pour moi, pour vous, pour cette jeune suicidée.
Elle a perdu la vie qu’elle avait devant elle. Elle
était belle. À 15 ans, je l’aurais peut-être enviée.
Profitons de la vie que nous avons pour cesser
toute forme d’intimidation.
Aimons.
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