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Notre-Dame de Paris


La première fois que j’ai visité la cathédrale Notre-Dame de Paris, j’avais 27 ans. C’était lors de mon premier voyage en Europe, en 1997. Pour mes étudiants actuels, cette époque semble préhistorique (comme tout ce qui est arrivé avant leur naissance, j’imagine), mais pour moi, c’est comme si c’était hier. J’étais à Paris dans le contexte bien particulier des Journées mondiales de la jeunesse qui rassemblaient des millions de jeunes idéalistes catholiques qui s’étaient donné rendez-vous dans la ville lumière afin de célébrer la joie d’être en vie et de croire à quelque chose de plus grand que soi. Internet commençait à peine à exister et on était très loin de savoir qu’un jour les réseaux sociaux boufferaient tout notre temps libre en nous isolant un peu plus chaque jour les uns des autres. 

On n’est plus en 1997, mais bien en 2019, c’est donc tout à fait normal que j’aie appris que la magnifique cathédrale que j’ai visitée pour la première fois il y a plus de 20 ans était en train de brûler vive, elle qui avait été miraculeusement épargnée et qui avait survécu, entre autres, à la première et à la deuxième guerre mondiale. 

J’ai donc passé une partie de ma journée d’hier à me souvenir avec nostalgie de ma visite guidée de Notre-Dame en 1997. Je me souviens d’une seule chose que le guide nous avait racontée : celui-ci parlait sans cesse de l’humanisme du gothique. Pour moi, à l’époque, le gothique, c’était Marilyn Manson et c’était d’une noirceur très loin de la magnifique cathédrale française que j’étais en train de visiter. Je me souviens que le guide nous avait montré les colonnes qui s’élevaient au ciel comme des mains tendues vers Dieu, mais des mains aussi qui s’approchaient de Dieu en le louant. Je trouvais cet humanisme gothique très touchant et je n’ai jamais oublié cette visite presque privée dans ce que j’ai toujours considéré comme la plus belle église du monde. 

Je suis certaine que notre guide avait passé plusieurs minutes à nous parler des magnifiques vitraux, mais je ne me souviens plus du tout de ses explications poétiques et érudites. Ce dont je me souviens, c’est de la magnificience des rosaces de vitraux finement taillés qui laissaient passer la lumière d’une façon qui m’a donné envie de pleurer d’émotion devant le travail de ces gens, il y a des siècles, qui ont donné leur vie pour leur œuvre d’art. Je suis restée longtemps assise, en silence, à penser à ma vie, à penser aux gens que j’aimais qui étaient partis et à ceux qui étaient encore là. Cette visite a été la première d’une longue série d’arrêts dans des majestueuses églises européennes où il fait toujours frais et où je m’accorde un petit temps de répit loin du tourisme et de ses exigences pressées. Je ferme mon téléphone, j’allume un cierge, je ne prends pas de photo et je m’arrête pour penser à ma vie. Des fois, je pleure doucement, des fois je souris. Le silence est toujours beau dans ces endroits où la vie s’arrête et je me sens toujours plus belle, plus forte et plus en paix quand je sors de l’église que quand j’y étais entrée.

J’ai appris ce matin que les rosaces ont été sauvées du brasier. Notre-Dame est forte et elle n’a pas dit son dernier mot. Je sais qu’elle sera là la prochaine fois que je lui rendrai visite. Comme celle dont elle porte le nom, elle est bénie d’entre toutes les femmes. Et moi aussi je suis bénie d’avoir eu la chance de la voir dans toute sa splendeur et sa lumière. 

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