Nous n'avons pas, habituellement, les moyens de nous payer une chambre avec vue. Nous arpentons, avec grande satisfaction et en respectant notre budget, les auberges de jeunesse et les petits studios pas trop chers.
Voilà que notre très gentille amie Annie nous offre, pour une semaine, son appart de Sète, avec vue sur la Méditerannée.
Et nous nous y posons, le temps de respirer un peu, en écoutant des standards de jazz de Duke Ellington ou les Variations Goldberg de Bach, maginifiquement interprétées par Glenn Gould. Nous avons fait une mega épicerie qui nous permettrait de rester ici pour un mois sans être obligés de sortir. Si nous sortons, c'est pour notre bon plaisir: pour marcher sur la Corniche chantée par Brassens, pour acheter le Figaro hors-série "Tout ce que vous avez toujours savoir sur Woody Allen et n'avez jamais osé demander" ou pour prendre l'apero chez Dominique, la fille d'Annie, qui nous a gentiment invités.
Je n'en reviens pas, de cette chance incroyable que nous avons d'être ici en cette fin du mois de novembre. Il fait frais, les plages sont désertes et, lorsque nous prenons notre café matinal, nous sommes noyés d'un bleu magnifique qui change de teinte, à mesure que nous tournons les pages des livres et revues que nous lisons, paisiblement.
Qu'est-ce qui peut venir troubler ce bonheur?
Entre deux pages, entre deux teintes de bleu, des angoisses remontent parfois.
Il y a des attentats en Inde, où nous serons en janvier.
Et si je n'étais pas capable de retrouver le rythme "normal" de ma vie de travailleuse, à mon retour en juin?
Et si je n'avais pas le goût de reprendre mon sac à dos pour explorer des contrées moins douce que ce midi de la France avec lequel je suis réellement tombée en amour? Et si...
Ces "et si" viennent me hanter jusqu'à ce que je lève les yeux et que je regarde le bleu devant moi. C'est alors que je me parle, tout doucement. Je me dis, en écoutant le Mistral souffler, que nous serons la semaine prochaine à Barcelone, où je retrouverai mon cher Gaudi. Puis, nous serons à Paris, à Bruxelles et à Amsterdam. L'Inde, c'est loin. Et je m'informerai. Et nous serons prudents. Pour ce qui est de ma vie de travailleuse, le bleu de la mer ne me donne pas encore de réponse, mais je vais continuer à tenter de trouver ce qui pourrait m'aider à moins me stresser et à avoir plus confiance en moi, ce qui fera de moi une travailleuse plus heureuse et moins insomniaque. Il n'y a plus de musique. Je vais aller en remettre. Ou pas. Ella Fitzgerald ou John Coltrane. Ou autre chose. Ou le silence, pour mieux écouter le Mistral. Voilà le seul choix qui importe pour le moment.
Je vous laisse avec ce que j'ai devant les yeux en ce moment: le bleu de cette mer si belle qui semble s'étendre jusqu'à l'infini.
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