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Chronique d'aéroport #2

Terminal 4, Heathrow Vol: Londres-Mumbai La dernière fois que j'ai écrit une chronique d'aéroport, j'étais assise à un café de l'aéroport de Keflavik, en Islande. Je partais pour la Russie et j'avais un peu peur. Je ne voulais pas quitter la fraîche Islande pour la frigorifique Russie.

J'aurais aimé écrire une chronique d'aéroport à Moscou. Bien que nous soyons arrivés à l'aéroport 3h30 avant notre vol, je n'ai pas eu une minute à moi, entre le check-in au comptoir d'EasyJet qui a pris une heure, l'interminable file pour passer les contrôles douaniers et l'autre file à la porte d'embarquement. Et je ne vous parle même pas de mon "souper": un sandwich au thon pas bon mangé à toute vitesse sur le plancher, entourée de centaines de personnes qui couraient pour ne pas manquer leur vol et au son de préposés qui hurlaient dans un haut-parleur des indications données aux passagers. Pas trop zen comme expérience, je vous le jure. Au moins, ça donne encore plus hâte de partir du pays. Heureusement, nous sommes arrivés sains et saufs à Manchester, dans un petit aéroport on ne peut plus calme. J'ai respiré de nouveau.

 Il est 16h et notre embarquement ne se fera pas avant 20h, j'ai donc amplement le temps de vous écrire quelques mots sur la Grande-Bretagne, d'où je pars, et sur l'Inde, où je m'en vais. Comme bonne Québécoise encore un peu nationaliste, je ne devrais pas, en principe, tripper tant que ça sur le Royaume-Uni. Les Anglais n'ont pas été très gentils avec nous, après tout. En tant que descendante d'Irlandais, je ne devrais pas non plus adorer l'univers british. Ces gens-là ont méprisé, il n'y a pas si longtemps que cela, mes ancêtres. Ils nous ont traité de frogs et nous ont ordonné "to speak white". Pourtant, c'est très étrange à dire, mais je me sens plus chez moi ici qu'en France. Les Anglais que j'ai rencontrés sont très polis et ne veulent jamais déranger personne. Il me semble qu'en France, on dérange toujours quelqu'un (surtout à Paris, beaucoup moins dans le Sud). Les Anglais sont sérieux (trop, comme moi, parfois?) et à leurs affaires. Ils ont la peau pâle et les yeux bleus comme moi. Londres est une ville organisée, on le voit juste en prenant le métro, un monstre de complexité qui fonctionne au quart de tour. J'aime beaucoup la France, il ne faut pas s'y méprendre, mais je trouve la vie plus simple ici. Oui, on mange moins bien, c'est vrai, mais on passe aussi moins de temps à s'insurger au sujet de la qualité des asperges ou à disserter sur la robe du vin. Oui, je suis profondément francophone, je le sais, mais je sais aussi que je n'aurais aucune difficulté à rester à Londres, pour une semaine, un mois, ou un an. La petite bruine, les pubs avec d'énormes lustres, de petites fleurs aux tables et de l'excellent cidre sont pour moi. Les Anglais n'ont pas réussi à conquérir ma province, et j'en suis très fière. Mais j'aime être leur lointaine cousine qui les visite de temps à autre.

 Revenons à l'aéroport. Nous sommes à Heathrow, l'un des plus grands aéroports du monde et je me sens comme si j'étais à l'aéroport d'Ottawa. C'est si tranquille ici. Je suis assise à une table d'un Caffé Nero, j'écoute mon disque de Bon Iver et j'écris, tranquillement. Moscou aurait des leçons à suivre d'Heathrow. Il faut diviser les aéroports en terminaux, c'est tout. Facile à dire, je sais. Les Russes ne sont probablement pas arrivés à prévoir l'expansion de l'industrie touristique, ce qui fait que leurs aéroports sont surpeuplés.

 Parlant de surpeuplement, j'arriverai à Mumbai dans quelques heures. Je ne m'attends pas à me sentir aussi zen qu'en ce moment. J'ai pas mal plus hâte d'être en Inde que j'avais hâte d'être en Russie, par contre. Je sais que ce pays est désorganisé, mais je sais aussi que ses habitants sont d'une gentillesse extraordinaire et cela, pour moi, je le réalise de plus en plus, est capital. Une affiche avec mon nom écrit dessus nous attendra à la sortie des douanes. C'est un petit luxe qu'il faut se payer, en arrivant dans un pays comme l'Inde. Nous nous sommes payé une belle chambre d'hôtel, aussi. Enfin, je l'espère. Si je me fie au film "The Best Exotic Marigold Hotel", je pourrais avoir une surprise, mais j'ai pas mal confiance quand même. "It's going to be all right in the end, if it's not allright, then it is not the end", comme le déclare un personnage indien dans le film. Je vais essayer de me dire cela aussi, quand des choses ne fonctionneront pas aussi bien que le métro de Londres.

 Dimanche, nous irons faire une visite guidée dans un bidonville. Hier, nous nous promenions entre le caviar et le champagne, chez Harrod's. Je ne sais pas à quel endroit je me sens le mieux. Ça doit être possible de se sentir bien dans les deux endroits. D'admirer la finesse du travail de grands pâtissiers et de s'extasier devant la solidarité déployée par ceux qui n'ont presque rien. Le contraste sera saisissant, c'est certain.

 Une chose est sûre, ce sera intéressant de visiter l'Inde, ce pays qui s'est dégagé de l'emprise coloniale de ces chers Anglais. Il y a de l'Inde en Grande-Bretagne et il y a encore de la Grande-Bretagne en Inde. Je vous en reparlerai bientôt, lorsque je trouverai un petit endroit calme où m'arrêter. D'ici là, je vais profiter de mes dernières heures en Grande-Bretagne pour admirer l'ordre et le bon fonctionnement d'un pays qui n'est plus un empire et qui ne fait plus de grandes conquêtes, mais qui a su me calmer et me charmer par la grandeur de sa simplicité et par la gentillesse polie de ses habitants qui ne sont plus, à mes yeux, les méchants Anglais. So long, for now, my ladyships and my lordships.

Commentaires

Dé a dit…
C'est très intéressant la manière dont tu expliques l'ambivalence dans tes sentiments Paris/Londres.
Je vais utiliser l'extrait en classe!

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