Je vous écris aujourd'hui du charmant café ViaVia de Jogjakarta sur l'ile de Java, en Indonésie. C'est un endroit hip-grano que les touristes (des jeunes français, allemands ou néerlandais pour la plupart) aiment fréquenter. La nourriture indonésienne y est très bonne et le café Lavazza, parfait. Depuis une semaine, nous n'avons presque pas vu de touristes. C'est la saison morte, ici, et ça parait.
Vous pouvez vous demander ce que je fais ici. Je ne sais pas vraiment ce que je fais ici non plus. Quand nous avons réservé notre voyage organisé, l'an passé, je ne savais pas vraiment dans quoi je m'embarquais. Notre voyage se nomme "From Bangkok to Bali". Je connaissais Bangkok pour y être allée en 2008. Pour ce qui est de Bali, comme toute bonne lectrice de "Eat, Pray, Love" qui se respecte, je veux y aller depuis que j'ai lu le récit d'Elizabeth Gilbert. Je connaissais donc le début et la fin de mon périple, mais je n'avais aucune idée de ce qui se passerait entre ces deux haut lieux du tourisme oriental.
Je savais vaguement qu'il y avait de belles iles au large de la Thaïlande et de hauts gratte-ciel à Kuala Lumpur (merci Génies en herbe et Quelques arpents de pièges) et je savais que Java et Sumatra étaient liés au café, mais à part de cela, je ne connaissais absolument rien d'une large part de la Thailande, de la Malaisie et de l'Indonésie. Pour être bien franche avec vous, je ne suis pas trop fière de moi. Je connais bien ce que j'enseigne, j'en sais pas mal sur la littérature, le cinéma, la musique et la culture "people", mais à part de cela, il y a tellement de choses que je ne connais pas. Et je ne parle pas des guerres ou des noms des rois, je parle de culture au sens large, de ce que les gens vivent, de leurs coutumes, de leur religion et des événements qui ont marqué leur vie quotidienne.
Heureusement, nous avons choisi de voyager avec une compagnie qui nous incite à aller à la rencontre des gens que nous visitons. Bien sûr, nous serions capables de visiter l'Indonésie par nous-mêmes. Le fait de voyager avec Intrepid (qui a comme slogan "Real Life Experiences") nous permet d'aller un peu plus loin. Premièrement, notre petit groupe de cinq personnes est accompagné d'un gentil tour leader de 27 ans nommé Nova. À notre premier souper ensemble, j'ai pu lui poser un tas de questions au sujet de la situation de la femme dans le pays musulman qu'est l'Indonésie. Il m'a répondu de manière très personnelle et ouverte. Oui, ici, l'homme décide et la femme suit, mais cette dernière peut choisir de porter ou non le voile. Bien sûr, je ne suis pas d'accord avec l'inégalité des sexe et je suis encore un peu traumatisée de ma burka mauve malaisienne, mais ça m'a fait beaucoup de bien d'exprimer mon point de vue et de me sentir écoutée par ce gentil jeune homme qui semblait intéressé par ce que j'avais à dire. Nova nous a parlé de son mariage et nous a montré les très belles photos prises à ses noces, il y a 9 mois. Sa femme est agente de voyage et il semble très amoureux d'elle. Si elle porte le voile, ce sera son choix. À la fin du repas, il nous a dit qu'il avait bien aimé discuter avec nous. C'était réciproque.
Nous avons visité le village natal de Nova, Pangandaran. À un moment donné, il nous a raconté, avec émotion, comment sa famille a vécu le tsunami qui a dévasté les lieux en 2006. Nous avons beaucoup entendu parler de celui de 2004 qui a entre autes frappé la Thaïlande, mais pas beaucoup de celui de 2006 en Indonésie. Dans le village de Nova, 500 personnes sont mortes. Ses parents ont dû s'accrocher à leur antenne parabolique pour ne pas être emportés par l'eau qui a avancé de 500 mètres dans la péninsule, qui n'est pas très étendue. La soeur de Nova, qui était sur le balcon de la maison familiale, est demeurée introuvable pour deux jours. Soulagés, ses parents ont éventuellement su qu'elle s'était sauvée en courant et que de bons samaritains l'avaient fait monter à bord de leur auto. Je peux imaginer la scène, car j'ai vu le film "The Impossible", mais d'entendre Nova raconter comment il se sentait impuissant au loin, car les réseaux de télécommunication étaient bloqués, m'a permis de mieux comprendre ce que l'on vit, lorsqu'on se retrouve au coeur d'une telle tragédie.
Pendant la nuit qui a suivi notre discussion, la terre a tremblé. Nous avons vécu un mini tremblement de terre. Je me suis dit: "Ça y est, un nouveau tsunami". Il n'en était rien. Encore une fois, j'ai pu me mettre un tout petit peu à la place des gens qui sont toujours vulnérables. Quand ce n'est pas un tsunami, c'est un tremblement de terre ou une irruption volcanique qui les menace. Saviez-vous qu'il y a un tremblement de terre à quelque part en Indonésie chaque jour? Je l'ai appris ce matin, en même temps que j'ai vu un volcan qui menace constamment de faire irruption. La vie est toujours fragile, mais, ici, elle l'est tout particulièrement.
Donc, j'apprends. Ça doit être pour cela que je suis ici. Pour rencontrer des gens et pour apprendre d'eux.
Je pourrais très bien aller en Islande ou en Irlande chaque année pour le reste de ma vie. Ce serait plus confortable et surtout plus frais. Mais, grâce à Nova et à Mathieu, qui insiste toujours pour que nous voyagions dans des contrées inexplorées (il a déjà commencé à parler de "Corée du Nord 2019"), je suis très contente de découvrir ce pays que je ne connaissais que de nom il y a quelques semaines. Plus que cela, je suis certaine que j'aimerais y revenir lorsque le mercure descendra un peu.
Je suis en Indonésie. Si loin. L'écrire m'aide à le réaliser et à comprendre ce que je suis venue y chercher. Merci de continuer à me lire.
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