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Zone de turbulence

Je voyage depuis le 2 août. Jamais, depuis cette date, ne me suis-je sentie aussi mal que depuis les trois ou quatre derniers jours. Si nous avions plus d'argent, c'est clair que nous nous envolerions pour le Maroc, notre prochaine destination, le plus rapidement possible. Il y a une semaine, pourtant, tout allait sur des roulettes. Accompagnés de personnes humaines exceptionnelles, nous visitions déserts et parcs nationaux en riant et en discutant de manière intelligente. Il faut comprendre que le voyage que nous faisons est basé sur la collaboration de tous et l'entraide. À tous moments, je voyais des gens autour de moi se donner un coup de main ou partager leurs cannettes de Windhoeck ou leurs bouteilles de vin sud-africain, le soir venu. J'ai entre autres appris à connaitre deux jeunes chinoises, Yi et Gin, qui changeront à jamais la perception que j'ai des gens de ce pays. Et que dire de nos autres co-voyageurs australiens, européens et canadiens. S'ils vivaient près de chez moi, je suis certaine que plusieurs d'entre eux seraient mes amis. Quand nos nouveaux amis sont partis, j'ai retenu mes larmes. Nous nous sommes promis de nous revoir, que ce soit en Grande-Bretagne, en Suisse ou en Australie. Pourquoi ces gens sont-ils partis? Malheureusement, pour la plupart des membres de notre groupe, le voyage se terminait après 22 jours. Avec deux autres gentils Canadiens, Trish et Glenn, nous sommes les seuls à faire au complet le périple de 45 jours. Sept personnes se sont jointes à nous. Il faut donc recommencer à tisser des liens, apprendre à connaitre ces gens, à leur faire confiance. C'est extrêmement difficile. Parce que nous sommes du voyage depuis trois semaines, nous avons pris, Mathieu et moi (surtout Mathieu), le rôle de guide. Nous savons ce qu'il y a à faire et comment le faire et nous avons un immense respect pour les membres de notre "crew" qui se donnent corps et âme pour faire en sorte que notre expérience soit la plus confortable et sécuritaire possible, malgré la visite de lions la nuit et les difficultés inhérentes à un voyage en sol africain. Nous mangeons comme des rois, sommes toujours à l'heure et n'avons vécu aucun pépin lié à l'organisation du voyage qui est impeccable. À notre grande surprise, les gens ne sont pas aussi respectueux que ceux qui faisaient partie de notre premier groupe. Trois d'entre eux, particulièrement, parlent dans le dos du personnel et de Mathieu. Ils font à leur tête et ne veulent pas se lever à l'heure prescrite, le matin. Nous avons un système de travail en équipe. Oh joie, j'ai été placée avec deux des trois récalcitrants. Un de ceux-ci est un fermier australien. Une de nos tâches est de couper des légumes pour aider Henry, le cuisinier, avant les repas. Mon cher fermier ne cuisine pas, lui, c'est clair. Il a donc délégué sa femme Wendy pour faire sa tâche à sa place. Avec beaucoup de diplomatie, je crois, j'ai dit à Wendy que c'est son mari et pas elle qui est supposé couper les légumes. Elle m'a envoyé un regard de feu. Je lui ai dit que je ne me mêlerais pas de ses affaires. Elle m'a répondu d'un ton menaçant que je n'étais mieux de ne pas le faire. Je ne lui ai pas reparlé de la journée et elle ne m'a pas adressé un regard depuis. Mathieu est bien sûr un peu moins subtil que moi. Il invite les gens avec insistance à participer aux tâches communes et se fâche lorsqu'il se rend compte que certains profitent de la période allouée à la vaisselle pour prendre leur douche. Il a parlé de sa frustration à notre guide Rose. Nous étions très fiers d'elle quand elle a fait une intervention de groupe au sujet des tâches, hier soir. Bien sûr, nous sommes maintenant perçus comme les têteux de prof et nous savons que les gens parlent dans notre dos, mais nous nous sentons moins seuls. Mathieu parlera lui-même de la prise de bec qu'il a eue avec notre fermier australien. Vous lirez son blogue. Je ne suis pas toujours d'accord avec la façon dont Mathieu s'exprime. Cette fois-ci, j'étais très fière de lui et je trouve qu'il s'est tenu debout. Depuis l'événement, c'est la grande froideur. Les trois Australiens nous évitent et nous faisons de même. C'est extrêmement inconfortable comme situation et j'aurais le goût de partir loin, très loin, et de quitter ce groupe désagréable et dysfonctionnel. Moi la psy, je suis sans ressource. J'ai adapté deux livres portant sur les relations interpersonnelles et je suis sans mot. Bien sûr, plus ça va, plus je trouve ces gens ridicules. Ils voyagent en Afrique et sont d'un racisme crasse. Dans le camion, ils ne cessent de passer des commentaires au sujet des Noirs si paresseux et BS. Pourquoi sont-ils venus ici? Pour voir lions et guépards le jour et pour siroter leur bière le soir, en riant des deux Québécois qui montent leur tente sous la pluie et qui font les tâches qu'eux n'ont pas le goût de faire? Que vais-je faire pour sortir de cette zone de turbulence? Ce que je fais depuis l'adolescence: lire, écrire, écouter de la musique. Rire et parler avec Mathieu et avec notre crew, aussi. Il y a également quelques membres de notre groupe qui sont gentils. Je peux m'approcher d'eux sans avoir peur d'être mordue. Pour ce qui est des autres tigres, je vais essayer de ne pas trop me concentrer sur eux. La vie est trop courte pour se la faire gâcher par des gens qui ne me connaissent pas et ne veulent pas me connaître. J'espère perdre bientôt cette envie de partir de l'Afrique au plus vite. Ce n'est pas comme cela que j'aime voyager. AJOUT: J'ai écrit ce texte il y a une semaine, mais n'ai pu le publier, car il m'était impossible d'aller sur Internet plus longtemps que pour cinq minutes. Les choses se sont améliorées, mais un fond de méfiance et de racisme demeure chez plusieurs membres du groupe. Mon intervention avec Wendy a porté ses fruits, je crois. Hier, son mari Rob a coupé tous les légumes pour faire la salade. Mon équipe n'est pas aussi difficile que je l'appréhendais. Mes deux coéquipiers sont gentils avec moi et nous valorisons le travail des autres. Je m'ennuie quand même de mon ancien groupe et j'ai hâte d'être au Maroc, où nous recommencerons à voyager par nous-mêmes. Je me dis chaque jour que j'aime l'Afrique, mais que je n'aime pas notre façon de la découvrir. Quand je reviendrai ici la prochaine fois, je m'installerai quelque part et je rencontrerai les gens, pour de vrai. Je ne passerai pas mon temps à bord d'un camion à voir la route et les gens de haut. Je ferai peut-être du travail humanitaire. Quelle belle expérience ce serait.

Commentaires

Hiver a dit…
Bonne chance pour la suite. Contente de lire que ça va un peu mieux!
sue in africa a dit…
Oh Caroline I have just read your latest blog with sadness - we really did have a great time on the truck with the two of you and the other members and I truly hoped that experience would have been repeated for you on the second half of your trip. I too often ask myself the question as to why certain types of people bother travelling to Africa - is it to see just the animals or is it because they want to foster their own innate racism. I think you should return to Africa and experience it from a different point of view treating this Intrepid adventure as just a short introduction to the continent in general. There are so many avenues for you to interact with the peoples on a more personal and extended level - you would have loved the type of work Sharon and I did in South Sudan - three months living and teaching with the local people not only allowed us time to form relationships (albeit now broken due to the unrest) but gave us a feel of life in a very poor area of the world and we took back with us an understanding of the joy in the simple things in life (I've never enjoyed clean water, and vegetables as much after no access for that length of time).
I trust Rose, Henry and James were not subject to too much of the 'nastiness' that comes through inn your blog from you companions, as they really are beautiful people and deserve to be treated as such.
I hope your encounters in Morocco are what you hoped for - as that is another part of Africa I fell in love with and could quite easily have stayed and lived in Essaouira.
Stay in touch, say 'Hi' to Matt and I lookk forward to reading your next blog
Au revoir mon ami
Sue
Unknown a dit…
Chère Madame Saint-Jacques,

Je dois vous dire que cette entrée de blogue m'attriste. Vous qui êtes si respectueuse et à l'écoute des autres, il me répugne d'imaginer de tels idiots vous malmener de la sorte.

Prenez soins de vous,

Marc-Antoine

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