Triste et sombre journée au pavillon Lucien-Brault de l'UQO, hier. Triste journée pour le mouvement étudiant et pour le Québec, triste journée pour mon école, aussi.
Nous nous doutions que les choses allaient mal tourner depuis une semaine. Les grillons, les gardes postés aux entrées, le silence de mort dans les corridors désertés, tout cela était annonciateur de l'ouragan qui s'en venait.
Je ne sais pas comment les gens qui vivent dans des pays assiégés font pour garder un équilibre mental. Ils s'habituent à la peur, j'imagine. J'imagine aussi que je dois me considérer privilégiée de vivre dans un pays où nous n'avons pas constamment peur d'être assiégés.
Je ne peux raconter tout ce qui s'est passé. Je ne sais pas tout, je n'ai pas tout vu, tout entendu, je ne possède que mon point de vue, subjectif et limité, mais que je veux quand même traduire en mots, un peu plus de 24 heures après la tempête.
À 11h15, lors de la pause de mon cours de psycho de la santé mentale, un étudiant m'a dit qu'une de ses amies avait mis sur Facebook une photo montrant que les manifestants étaient arrivés à notre pavillon. Nous étions de l'autre côté de l'édifice et ne voyions rien. Par la magie de Facebook, nous avons compris que les manifestants étaient partis et j'ai repris mon cours (comble de l'ironie, celui-ci portait sur... la paranoïa!) À un moment donné, des bruits se sont fait entendre. Des bruits de gens qui manifestaient, des cris qui semblaient venir de très près. J'ai été à ce moment très contente de pouvoir barrer ma porte de classe. Les bruits n'arrêtaient pas et nous n'avions aucune idée de ce qui se passait. J'ai paniqué, un peu. Je ne pouvais trop le démontrer, devant la classe. À un moment donné, une fille a lancé:"Il regardent un film, dans la classe d'à côté". C'était cela! Mon voisin de classe, prof d'histoire, présentait un film portant sur la révolution française... Ouf. Nous avons ri et j'ai pu terminer mon cours. J'espérais que tout soit OK mais n'y croyais pas vraiment.
Je ne suis pas sortie de ma classe à l'heure du dîner, puisque je devais assister à une réunion de préparation du voyage en Europe que j'organise avec un collègue et qui se déroulera en mai-juin prochain (vous dire à quel point j'ai hâte à ce voyage!) Pendant cette réunion, une étudiante est venue nous chercher pour nous dire que le directeur nous ordonnait de nous réunir à l'auditorium. J'ai suivi les ordres, mais ça ne me plaisait pas beaucoup de quitter ma classe qui pouvait se barrer.
Je ne me suis jamais rendue à l'auditorium. En arrivant à l'entrée de la cafétéria, j'ai entendu une dame de la cafétéria se mettre à crier et des étudiants dire que les manifestants (400 personnes) étaient entrés dans l'école. J'ai paniqué et je me suis dit que la meilleure chose était de retourner dans ma classe. Une dizaine d'étudiants m'ont suivie. Nous sommes restés là environ une heure. Je me faisais les pires scénarios et me rappelais Polytechnique. Si je n'avais pas eu que 4 mois en octobre 70, je suis certaine que j'aurais pensé à la Crise d'octobre. J'ai pensé à ce qui pouvait arriver de pire: de la violence extrême, des coups de feu, des mouvements de panique qui feraient en sorte que des gens pacifiques perdent leur jugement.
Après cette longue heure, une alarme s'est mise à sonner et on nous a dit de sortir par la porte 6. Des policiers sans matraque et assez souriants nous ont gentiment dit de nous dépêcher. Dehors, j'ai vu que ça brassait, j'ai vu des jeunes masqués de foulards rouges crier. Je ne me suis pas trop approchée, préférant rester, avec quelques collègues et étudiants, loin de la violence potentielle.
Je suis restée dehors pendant une heure puis je suis repartie chez moi. Toute la soirée, je l'ai passée sur Facebook à discuter des événements de la journée avec des gens qui avaient vécu ou non la même chose que moi. Par ces discussions, j'ai appris que des étudiants et collègues ont dû affronter une "haie de déshonneur" de gens qui leur criaient des bêtises, pensant sûrement qu'ils étaient étudiants ou profs de l'UQO et ne sachant pas qu'ils avaient voté démocratiquement (et à 66%) contre la grève. Je ne comprends pas que des gens qui se disent pacifiques aient pu manifester un tel mépris pour des gens qui n'ont rien fait de mal, qui ne faisaient qu'être à l'école.
J'ai aussi vu à la télé qu'il y avait eu du vandalisme à la cafétéria. Également, j'ai appris avec consternation que 5 de mes étudiants, des garçons intelligents et pacifiques que je côtoie tous les jours, faisaient partie du groupe des 151 personnes arrêtées.
Voilà ce que j'ai vécu hier, dans une école, au Québec.
Aujourd'hui, je tente de prendre du recul et ce n'est pas facile, puisque la violence continue, à Montréal. Je viens d'apprendre que des casseurs jettent des roches aux automobilistes qui passent en dessous de l'autoroute Ville-Marie et que pendant ce temps-là, Jean Charest fait des jokes devant un public d'homme d'affaires. La violence se trouve des deux côtés et elle doit être condamnée.
Je retournerai à l'école lundi. J'ai hâte d'enseigner, de transmettre des connaissances, de parler à mes étudiants, rouges, verts, jaunes, peu importe. Je m'inquiète au sujet des dames qui travaillent à la cafétéria. Elles sont si fines avec nous, elles ne méritaient pas d'être bousculées. J'imagine leur terreur et je m'en désole. Dans les quelques conversations que j'ai pu avoir avec elles, j'ai senti qu'elles appuyaient la cause des étudiants. J'espère que je pourrai les retrouver souriantes, lundi.
Vivement, que ce conflit se règle, pour que nous puissions arrêter d'avoir peur.
Nous nous doutions que les choses allaient mal tourner depuis une semaine. Les grillons, les gardes postés aux entrées, le silence de mort dans les corridors désertés, tout cela était annonciateur de l'ouragan qui s'en venait.
Je ne sais pas comment les gens qui vivent dans des pays assiégés font pour garder un équilibre mental. Ils s'habituent à la peur, j'imagine. J'imagine aussi que je dois me considérer privilégiée de vivre dans un pays où nous n'avons pas constamment peur d'être assiégés.
Je ne peux raconter tout ce qui s'est passé. Je ne sais pas tout, je n'ai pas tout vu, tout entendu, je ne possède que mon point de vue, subjectif et limité, mais que je veux quand même traduire en mots, un peu plus de 24 heures après la tempête.
À 11h15, lors de la pause de mon cours de psycho de la santé mentale, un étudiant m'a dit qu'une de ses amies avait mis sur Facebook une photo montrant que les manifestants étaient arrivés à notre pavillon. Nous étions de l'autre côté de l'édifice et ne voyions rien. Par la magie de Facebook, nous avons compris que les manifestants étaient partis et j'ai repris mon cours (comble de l'ironie, celui-ci portait sur... la paranoïa!) À un moment donné, des bruits se sont fait entendre. Des bruits de gens qui manifestaient, des cris qui semblaient venir de très près. J'ai été à ce moment très contente de pouvoir barrer ma porte de classe. Les bruits n'arrêtaient pas et nous n'avions aucune idée de ce qui se passait. J'ai paniqué, un peu. Je ne pouvais trop le démontrer, devant la classe. À un moment donné, une fille a lancé:"Il regardent un film, dans la classe d'à côté". C'était cela! Mon voisin de classe, prof d'histoire, présentait un film portant sur la révolution française... Ouf. Nous avons ri et j'ai pu terminer mon cours. J'espérais que tout soit OK mais n'y croyais pas vraiment.
Je ne suis pas sortie de ma classe à l'heure du dîner, puisque je devais assister à une réunion de préparation du voyage en Europe que j'organise avec un collègue et qui se déroulera en mai-juin prochain (vous dire à quel point j'ai hâte à ce voyage!) Pendant cette réunion, une étudiante est venue nous chercher pour nous dire que le directeur nous ordonnait de nous réunir à l'auditorium. J'ai suivi les ordres, mais ça ne me plaisait pas beaucoup de quitter ma classe qui pouvait se barrer.
Je ne me suis jamais rendue à l'auditorium. En arrivant à l'entrée de la cafétéria, j'ai entendu une dame de la cafétéria se mettre à crier et des étudiants dire que les manifestants (400 personnes) étaient entrés dans l'école. J'ai paniqué et je me suis dit que la meilleure chose était de retourner dans ma classe. Une dizaine d'étudiants m'ont suivie. Nous sommes restés là environ une heure. Je me faisais les pires scénarios et me rappelais Polytechnique. Si je n'avais pas eu que 4 mois en octobre 70, je suis certaine que j'aurais pensé à la Crise d'octobre. J'ai pensé à ce qui pouvait arriver de pire: de la violence extrême, des coups de feu, des mouvements de panique qui feraient en sorte que des gens pacifiques perdent leur jugement.
Après cette longue heure, une alarme s'est mise à sonner et on nous a dit de sortir par la porte 6. Des policiers sans matraque et assez souriants nous ont gentiment dit de nous dépêcher. Dehors, j'ai vu que ça brassait, j'ai vu des jeunes masqués de foulards rouges crier. Je ne me suis pas trop approchée, préférant rester, avec quelques collègues et étudiants, loin de la violence potentielle.
Je suis restée dehors pendant une heure puis je suis repartie chez moi. Toute la soirée, je l'ai passée sur Facebook à discuter des événements de la journée avec des gens qui avaient vécu ou non la même chose que moi. Par ces discussions, j'ai appris que des étudiants et collègues ont dû affronter une "haie de déshonneur" de gens qui leur criaient des bêtises, pensant sûrement qu'ils étaient étudiants ou profs de l'UQO et ne sachant pas qu'ils avaient voté démocratiquement (et à 66%) contre la grève. Je ne comprends pas que des gens qui se disent pacifiques aient pu manifester un tel mépris pour des gens qui n'ont rien fait de mal, qui ne faisaient qu'être à l'école.
J'ai aussi vu à la télé qu'il y avait eu du vandalisme à la cafétéria. Également, j'ai appris avec consternation que 5 de mes étudiants, des garçons intelligents et pacifiques que je côtoie tous les jours, faisaient partie du groupe des 151 personnes arrêtées.
Voilà ce que j'ai vécu hier, dans une école, au Québec.
Aujourd'hui, je tente de prendre du recul et ce n'est pas facile, puisque la violence continue, à Montréal. Je viens d'apprendre que des casseurs jettent des roches aux automobilistes qui passent en dessous de l'autoroute Ville-Marie et que pendant ce temps-là, Jean Charest fait des jokes devant un public d'homme d'affaires. La violence se trouve des deux côtés et elle doit être condamnée.
Je retournerai à l'école lundi. J'ai hâte d'enseigner, de transmettre des connaissances, de parler à mes étudiants, rouges, verts, jaunes, peu importe. Je m'inquiète au sujet des dames qui travaillent à la cafétéria. Elles sont si fines avec nous, elles ne méritaient pas d'être bousculées. J'imagine leur terreur et je m'en désole. Dans les quelques conversations que j'ai pu avoir avec elles, j'ai senti qu'elles appuyaient la cause des étudiants. J'espère que je pourrai les retrouver souriantes, lundi.
Vivement, que ce conflit se règle, pour que nous puissions arrêter d'avoir peur.
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