Nous sommes à Kuala Lumpur, en Malaisie. Le pays est officiellement musulman. Dans la rue, ça parait un peu. Plusieurs restos s'affichent comme étant halal et le drapeau du pays comporte un croissant doré et une étoile. On n'est pas en Iran ou au Pakistan, par contre. La Malaisie compte 60% de Malais musulmans, 30% de Chinois bouddhistes et 10 % d'Indiens hindous. On se promène donc dans un melting pot de gens qui semblent, à première vue, bien cohabiter. On ne sent pas de tensions, il n'y a pas de graffitis sur les murs, je ne crois pas qu'on discute d'une "Charte des valeurs", ici.
Une partie de notre visite guidée consiste à nous rendre à la Mosquée nationale. Le lieu impressionne, de loin. C'est blanc et c'est beau. Très vite, je comprends que pour visiter l'endroit, je devrai me couvrir. On me passe une espèce de burka mauve pas belle et on me met une cagoule rouge. Je veux crier. Je n'aurais pas dû faire cette visite, mais je suis le groupe quand même. On nous montre la salle de prière où les hommes doivent prier, le vendredi. Les femmes n'y sont pas obligées et, si elles décident d'y aller, leur place est à l'arrière. Je rage, intérieurement. Je n'écoute plus le guide, je fais une crise comme si j'étais une ado enfermée qui est prise pour mettre une gamme de vêtements qui ne lui convient pas, parce que ses parents et l'école en ont décidé ainsi.
À l'entrée de la salle de prière, je vois un dépliant ayant pour titre "Dress in Islam".
En voici quelques extraits:
More women are wearing the hijab. Many view their hijab as a statement of their Muslim identity and liberation from western lifestyles, that enslaves women to the fashion and cosmetics industries.
Women enjoy more protection and respect within Islam compared to any other faith. In the spiritual realm, women are equal to men as the only distinction amongst the Beleivers is the level of their piety.
A small though highly visible minority wear a face veil (niqab). They have been harassed and discriminated in the "liberal" West. The "defenders" of individual freedom expose their hypocrisy by their call to ban in public places the personal choice of a tiny segment of the population.
Lire cela ne me calme pas, au contraire. Ce qui me fait le plus rager, ce sont les guillemets. Oui, l'Occident a plusieurs défauts, mais il n'est pas "liberal" entre guillemets. Il est libre pour de vrai. Les féministes se sont battues pour que les femmes soient libres et nous le sommes. Il y a tant d'exemples (Malala, crimes d'honneur, femmes n'ayant pas le droit d'aller à l'école, etc.) qui montrent à quel point les pratiquants de l'Islam, dans plusieurs pays, ne traitent pas les femmes comme les égales des hommes que je suis incapable de croire en ces beaux messages de pureté et de modestie énoncés par l'auteur du dépliant (un homme, en êtes-vous surpris?). Surtout, je ne peux comprendre pourquoi, en 2013, la femme qui ne porte pas le voile est une dégénérée alors que les garçons sont libres, eux, de se promener la tête au vent. Pas capable. Désolée.
Un autre extrait qui me pompe:
The critics of women's rights in Islam expose their hypocrisy by their silence towards the multibillion dollar porn industry that treats women like filth. It is easy to understand why women are leaving the Western-secular culture and embracing Islam that restores their dignity.
Il faudrait que le Dr Y Mansoor Marican, Ph.D, auteur du dépliant, relise les grandes auteures féministes pour constater que plusieurs d'entre elles se sont opposées à la porno et que leurs combats ont mené à l'adoption de lois visant à protéger les droits des femmes, dans la "Western secular culture".
Ce qui me calme un peu, c'est lorsque je vois des filles voilées rire et s'amuser. Dans le bateau nous amenant à Phi Phi Island, en Thaïlande, trois jeunes touristes malaisiennes étaient assises en face de moi. Couvertes de la tête aux pieds, elles n'étaient pas habillées pour aller à la plage. Je me suis dit "Quel enfer, qu'elles doivent avoir chaud." Durant tout l'avant-midi, elles affichaient un air sérieux, devant nous, étrangers. Quelle ne fut pas ma surprise, plus tard, de les voir s'amuser comme des petites folles à se prendre en photo. Elles s'amusaient entre elles. À la première sortie de snorkeling, elles sont restées assises dans le bateau, apeurées. À la deuxième sortie, après s'être fait convaincre par notre guide, elles ont plongé (toujours aussi voilées!) et on a senti qu'elles adoraient cela. Elles ont pris leur temps et ont respecté leurs limites. C'est leur façon à elles d'être heureuses, qu'ai-je à dire de cela?
J'écris cette entrée de blogue dans un McDo (alternative au petit déj malais qui ressemble à un pad thai, désolée, je suis 100% occidentale, au moment de ce repas). Des filles voilées sont assises près de moi. Elles rient en regardant leur cell ou en lisant leurs livres de princesses (voilées!). Elles sont crampées de rire et leur voile ne semble pas les déranger. Je suis loin du débat québécois sur le port du voile dans l'espace public. J'ai lu un article de Marc Cassivi dénonçant les propos de Denise Filliatrault qui aurait traité les femmes voilées de folles. Je ne suis pas d'accord avec Denise. Ces femmes ne sont pas folles. Au contraire, elles sont intelligentes. Ce qui m'attriste, c'est que l'Islam tel qu'il est pratiqué a érigé autour d'elle un système qui les empêche de choisir quand mettre et enlever leur voile. Ce n'est pas plus à leur père qu'à Pauline Marois de décider quand elles mettront ou enlèveront leur foulard, c'est à elles-mêmes.
Pour ma part, je me suis dépêchée d'enlever mon espèce de grosse robe mauve et ma cagoule rouge. Je voyais les gars se promener tête nue et je fulminais. Je suis libre autant qu'eux. J'ai été éduquée à croire cela et je choisis ce qui est le mieux pour moi. Je souhaite que chaque fille musulmane puisse faire de même.
Une partie de notre visite guidée consiste à nous rendre à la Mosquée nationale. Le lieu impressionne, de loin. C'est blanc et c'est beau. Très vite, je comprends que pour visiter l'endroit, je devrai me couvrir. On me passe une espèce de burka mauve pas belle et on me met une cagoule rouge. Je veux crier. Je n'aurais pas dû faire cette visite, mais je suis le groupe quand même. On nous montre la salle de prière où les hommes doivent prier, le vendredi. Les femmes n'y sont pas obligées et, si elles décident d'y aller, leur place est à l'arrière. Je rage, intérieurement. Je n'écoute plus le guide, je fais une crise comme si j'étais une ado enfermée qui est prise pour mettre une gamme de vêtements qui ne lui convient pas, parce que ses parents et l'école en ont décidé ainsi.
À l'entrée de la salle de prière, je vois un dépliant ayant pour titre "Dress in Islam".
En voici quelques extraits:
More women are wearing the hijab. Many view their hijab as a statement of their Muslim identity and liberation from western lifestyles, that enslaves women to the fashion and cosmetics industries.
Women enjoy more protection and respect within Islam compared to any other faith. In the spiritual realm, women are equal to men as the only distinction amongst the Beleivers is the level of their piety.
A small though highly visible minority wear a face veil (niqab). They have been harassed and discriminated in the "liberal" West. The "defenders" of individual freedom expose their hypocrisy by their call to ban in public places the personal choice of a tiny segment of the population.
Lire cela ne me calme pas, au contraire. Ce qui me fait le plus rager, ce sont les guillemets. Oui, l'Occident a plusieurs défauts, mais il n'est pas "liberal" entre guillemets. Il est libre pour de vrai. Les féministes se sont battues pour que les femmes soient libres et nous le sommes. Il y a tant d'exemples (Malala, crimes d'honneur, femmes n'ayant pas le droit d'aller à l'école, etc.) qui montrent à quel point les pratiquants de l'Islam, dans plusieurs pays, ne traitent pas les femmes comme les égales des hommes que je suis incapable de croire en ces beaux messages de pureté et de modestie énoncés par l'auteur du dépliant (un homme, en êtes-vous surpris?). Surtout, je ne peux comprendre pourquoi, en 2013, la femme qui ne porte pas le voile est une dégénérée alors que les garçons sont libres, eux, de se promener la tête au vent. Pas capable. Désolée.
Un autre extrait qui me pompe:
The critics of women's rights in Islam expose their hypocrisy by their silence towards the multibillion dollar porn industry that treats women like filth. It is easy to understand why women are leaving the Western-secular culture and embracing Islam that restores their dignity.
Il faudrait que le Dr Y Mansoor Marican, Ph.D, auteur du dépliant, relise les grandes auteures féministes pour constater que plusieurs d'entre elles se sont opposées à la porno et que leurs combats ont mené à l'adoption de lois visant à protéger les droits des femmes, dans la "Western secular culture".
Ce qui me calme un peu, c'est lorsque je vois des filles voilées rire et s'amuser. Dans le bateau nous amenant à Phi Phi Island, en Thaïlande, trois jeunes touristes malaisiennes étaient assises en face de moi. Couvertes de la tête aux pieds, elles n'étaient pas habillées pour aller à la plage. Je me suis dit "Quel enfer, qu'elles doivent avoir chaud." Durant tout l'avant-midi, elles affichaient un air sérieux, devant nous, étrangers. Quelle ne fut pas ma surprise, plus tard, de les voir s'amuser comme des petites folles à se prendre en photo. Elles s'amusaient entre elles. À la première sortie de snorkeling, elles sont restées assises dans le bateau, apeurées. À la deuxième sortie, après s'être fait convaincre par notre guide, elles ont plongé (toujours aussi voilées!) et on a senti qu'elles adoraient cela. Elles ont pris leur temps et ont respecté leurs limites. C'est leur façon à elles d'être heureuses, qu'ai-je à dire de cela?
J'écris cette entrée de blogue dans un McDo (alternative au petit déj malais qui ressemble à un pad thai, désolée, je suis 100% occidentale, au moment de ce repas). Des filles voilées sont assises près de moi. Elles rient en regardant leur cell ou en lisant leurs livres de princesses (voilées!). Elles sont crampées de rire et leur voile ne semble pas les déranger. Je suis loin du débat québécois sur le port du voile dans l'espace public. J'ai lu un article de Marc Cassivi dénonçant les propos de Denise Filliatrault qui aurait traité les femmes voilées de folles. Je ne suis pas d'accord avec Denise. Ces femmes ne sont pas folles. Au contraire, elles sont intelligentes. Ce qui m'attriste, c'est que l'Islam tel qu'il est pratiqué a érigé autour d'elle un système qui les empêche de choisir quand mettre et enlever leur voile. Ce n'est pas plus à leur père qu'à Pauline Marois de décider quand elles mettront ou enlèveront leur foulard, c'est à elles-mêmes.
Pour ma part, je me suis dépêchée d'enlever mon espèce de grosse robe mauve et ma cagoule rouge. Je voyais les gars se promener tête nue et je fulminais. Je suis libre autant qu'eux. J'ai été éduquée à croire cela et je choisis ce qui est le mieux pour moi. Je souhaite que chaque fille musulmane puisse faire de même.
Commentaires
Ceci dit, tu as raison au sujet de nos chaines occidentales. La fille occidentale se doit d'être parfaite, physiquement. Elle se met beaucoup de pression sur les épaules et sa liberté est souvent mise entre guillemets par une société qui exige d'elle qu'elle soit belle, jeune, mince pour la vie. Cependant, je crois que nous sommes quand mêmes chanceuses, car nous avons des modèles de femmes qui s'affirment et que l'éducation des filles est aussi (parfois même plus) valorisée que celle des garçons. C'est ce qui me permet de dire que nous sommes plus libres que les tristes filles voilées de noir que j'ai pu voir, surtout en Malaisie. Ici, En Indonésie, les filles semblent beaucoup plus libres et ça me réconcilie un peu avec l'islam asiatique. Je ne pense pas que je suis prête à visiter le Moyen-Orient dans les prochaines années. Je vais devoir me préparer énormément avant de visiter des pays comme l'Egypte. C'est viscéral, ça me rend triste de voir des filles et des femmes enfermées par des sociétés patriarcales. Ce n'est pas tant le voile en tant que tel qui me désole, s'il est porté par choix. Ce qui me désole. c'est de savoir qu'elles sont soumises et qu'elles se doivent d'être accompagnées par un homme (même par un petit gars de 5 ans) lorsqu'elles sortent et ce, même si elles sont couvertes de la tête aux pieds, Je sais que ce n'est pas ainsi partout, mais c'est ainsi à trop d'endroits et on dirait que je me rends compte que les femmes ne sont pas aussi libérées que je le croyais. Il nous reste du chemin à faire.
Merci encore pour ton commentaire. Il m'a aidé à pousser plus loin ma réflexion, qui est très loin d'être terminée!