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Overlanding


Depuis le 2 janvier, nous faisons un voyage organisé par Intrepid, une compagnie australienne que nous aimons beaucoup. Notre guide, notre cuisinier et notre chauffeur sont trois Kenyans extrêmement gentils et compétents, de vrais pros qui passent leur vie à sillonner le sud et l'est du continent africain à bord d'un immense camion. Attention, nous ne pouvons nommer le véhicule qui nous transporte un autobus, sous peine de nous faire chicaner par notre gentil conducteur James. C'est bel et bien à bord d'un truck tout de même assez confortable, mais sans air climatisé, que nous voyageons avec une quinzaine d'autres touristes provenant de l'Australie, bien sûr, mais aussi de la Grande-Bretagne, du Danemark, de la Chine, de la Suisse, de la Corée du Sud et du Canada.

Juché sur des grosses roues, notre camion passe partout. Rien ne lui résiste. Avec lui, nous visitons parcs nationaux et déserts. Nous ne prenons pas toujours les belles routes pavées, loin de là. Nous nous approchons, à bord de celui-ci, de la faune africaine. Vous auriez dû nous voir sauter près des fenêtres à la vue de giraffes, de guépards, de zèbres ou d'éléphants. Certains, munis de gigantesques lentilles, prennent des photos qui pourraient être publiées dans le National Geographic et d'autres, comme moi, font ce qu'ils peuvent avec leur petite caméra.

Notre camion est parfait pour ce que nous faisons: de l'overlanding. Nous roulons loin du sol. Nous ne pouvons être attaqués par les félins et éléphants que nous rencontrons sur la route. Le problème dans tout cela, c'est que nous ne nous approchons pas beaucoup des personnes humaines non plus. Dans notre gros camion, c'est comme si nous étions au-dessus des gens.

Après 20 jours de voyage, je n'ai eu l'occasion d'entrer en contact avec la population locale que deux fois.

À Swakopmund, une petite ville fondée par les Allemands, on nous offrait de visiter un township avec un guide local. Le mien se nommait Niko. Il était extrêmement gentil, mais je n'ai pas vraiment aimé la journée que j'ai passée avec lui. Il m'a premièrement amenée chez une dame portant une robe traditionnelle. Après m'avoir dit qu'elle ne portait sa robe que lorsqu'elle recevait des touristes, elle s'est levée et est sortie parler au cellulaire pendant un bon 10 minutes. En revenant, elle m'a demandé de deviner son âge. J'ai pensé 45-50, mais j'ai dit 35, pour ne pas la froisser. Malaise. Elle a demandé à Niko de sortir pour me dire des "secrets de femmes". Elle m'a d'abord révélé son âge (45 ans) puis m'a dit que les cornes de son chapau tenaient grâce à du papier journal. J'ai fait semblant d'être fascinée. J'essayais de lui poser des questions sur ses enfants, mais elle n'y répondait pas vraiment. La seule chose qu'elle m'a dite, c'est qu'elle n'avait pas de mari, qu'elle élevait seule un enfant de 2 ans et que je pouvais lui donner le montant que je désirais. Je ne voulais rien lui donner, à part mon sourire et mon écoute. Le but de ma visite était de la rencontrer, pas de lui faire la charité. Je lui ai quand même offert quelques dollars pour éviter un malaise encore plus grand et je l'ai vue alors sourire pour la première fois.

Nous avons ensuite visité deux dames âgées qui ne semblaient pas très heureuses de me rencontrer non plus. J'ai essayé de poser des questions ouvertes, j'ai souri, j'ai tout fait. On ne me voulait pas là. J'ai aussi essayé de sourire aux petits enfants d'une des dames, mais la seule réaction que j'ai obtenue, c'est qu'une de ceux-ci m'a tiré les cheveux. Agréable... En fait, j'ai senti qu'on voulait plus mon argent que moi. À la fin de la visite, Niko m'a gentiment payé un Appletiser à un petit bar du village et m'a fait écouter un peu de musique namibienne. J'ai discuté avec lui de ses rêves et aspirations. Un beau petit moment où j'ai enfin senti que je rencontrais une personne qui avait le goût de discuter avec moi. Je ne lui ai pas laissé un énorme pourboire à la fin de la visite. J'ai senti sa déception. La mienne était immense. Je n'ai pas senti battre le coeur du township, mais j'ai plutôt effleuré celui-ci.

Ma deuxième rencontre avec la population locale namibienne n'a guère été plus satisfaisante. Nous nous trouvions au nord du pays, près de la frontière botswanaise. Nous avions au programme une rencontre avec les "San Bushmen", une tribu anciennement nomade qui a dû se sédentariser de force dans les années 70. Plus personne n'est nomade chez ces gens, mais on a créé un musée humain pour montrer aux touristes comment ces gens vivaient, dans le bon vieux temps. Visite intéressante, en principe. Pourtant, j'ai vécu un autre malaise, du début à la fin de celle-ci. Hommes et femmes ne portaient soit qu'un pagne de vieux cuir ou une robe qui ne cachait que très minimalement leur nudité. Ils étaient devant nous et ne parlaient pas. Certaines femmes avaient un bébé accroché à leur sein. Tout le monde regardait dans le vide, attendant qu'on les prenne en photo.

Je fulminais. C'étaient des personnes, là devant nous, pas des animaux. J'ai eu à ce moment le goût de me sauver en courant. Heureusement, nous sommes partis dans le bois, guidés par une dynamique jeune femme qui traduisait de manière très joyeuse ce que son collègue bushman nous disait. Il nous montrait comment ses ancêtres tiraient à l'arc et comment ceux-ci buvaient la sève des arbres avec une paille. Nous sommes revenus vers notre point de départ et les femmes nous ont invités à danser avec elles. J'ai accepté l'invitation et j'ai aimé mon expérience, même je me sentais comme une bête de foire, qui participait au spectacle donné pour le bon plaisir des Occidentaux voulant entrer en contact avec les "vrais Africains".

Justement, parlons authenticité. Notre guide Rose nous a dit, il y a quelques jours, que nous étions maintenant dans la "vraie Afrique", après que nous ayions passé quelques heures dans une étrange ville où nous ne pouvions aller au guichet automatique seuls et où nous nous sommes fait dévisager à plusieurs reprises. De retour dans le camion, Mathieu a demandé à Rose si la vraie Afrique, c'est un endroit où nous devions avoir peur. J'ai trouvé cette question très intéressante. La peur fait-elle partie du paysage africain, comme les baobabs et les antilopes? Si l'on n'a pas peur, sommes-nous de vrais voyageurs? Je n'ai pas encore trouvé de réponse à cette question.

Ce que je sais, c'est que lorsque je voyage, j'aime rencontrer des gens de la place, savoir ce qui se passe pour vrai, ne pas seulement voir les endroits qui ne sont montrés qu'aux touristes. C'est normal, mais est-ce possible? À moins de s'établir pour un certain temps dans un endroit, je ne crois pas que ce ne soit réalisable. Nous passons et nous avons des impressions plus ou moins valides, c'est tout.  J'ai remarqué de toutes petites choses ici: les gens sont calmes et prennent leur temps. Hakuna Matata n'est pas juste une phrase tirée de Lion King. Il n'y a pas de problème ici, je n'ai jamais vu personne paniquer (à part Mathieu lorsque nous sommes les derniers à finir de démonter notre tente...)

Il reste 23 jours à mon voyage en overlanding. C'est à moi de décider si je veux rester juchée sur les roues de mon gros camion ou m'approcher un peu plus des personnes qui marchent sur les chemins que je traverse. Ce que j'ai vu de l'Afrique est magnifique. Si je peux écouter les voix et les chants des Africains et comprendre leurs combats et leurs espoirs en les entendant de leur bouche, je serai comblée et je me serai approchée un peu plus de la vraie Afrique.    

Commentaires

Hiver a dit…
J ai l impression que le fait de faire un voyage organisé donne inévitablement ce genre d expérience. Par contre, en voyage pas organisé en Afrique ça doit devenir pas mal compliqué, voire dangereux. J espèr que la suite sera meilleure.

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