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J'ai mon voyage


Nous sommes le 3 octobre. Ça fait un peu plus de deux mois que nous sommes partis. Nous sommes dans le sud de l'Inde et l'humidité frôle les 100%. Le mois d'octobre est celui que je préfère, au Québec. L'efferversence de la rentrée est passée. Les émissions sont commencées depuis un petit bout. Il fait frais et les couleurs des feuilles deviennent vibrantes. C'est l'été indien, comme le chante Joe Dassin et ce sera bientôt la relâche et la collation des grades à mon collège. Je m'ennuie de chez moi et je sais que je ne serai pas au Québec pour un long bout, encore.

 Je me suis payé une super longue relâche, qu'est-ce que j'ai à me plaindre de l'humidité indienne, pourriez-vous très justement me dire. C'est peut-être la source de mon malaise actuel. Je sens que je ne devrais pas le ressentir. Je ne travaille pas, ma seule préoccupation consiste à me demander à quel endroit je prendrai mon prochain masala chai, je lis un très bon livre de Jumpa Lahiri ou le Times of India, je mets des photos de fleurs et d'enfants souriants sur Facebook et je me promène au bord de la mer. Je ne suis pas à plaindre, définitivement, mais je me plains intérieurement, quand même... Le matin, je n'ai pas tant que ça le goût de me lever et j'ai souvent plus envie de regarder TLC que de visiter un temple hindou. Je ne comprends pas les raisons de mon malaise. Moi qui aime tant voyager, j'ai parfois le goût d'être à Gatineau, à Ottawa, à St-André...

 C'est justement le but de ce texte, une petite thérapie par l'écriture, pour arriver à mieux comprendre ce que je vis. Si cela ne vous intéresse pas, je vous comprends très bien et vous conseille de regarder Unité 9 ou le dernier épisode de Breaking Bad, vous y trouverez plus de rebondissements que dans ma petite prose introspective décrivant mon léger blues de voyageuse un peu usée par la chaleur indienne. Dans la toute première entrée de ce blogue, je vous disais que je ne savais pas pourquoi je partais. Je ne le sais toujours pas. Je sais plus, par contre, ce que je n'aime plus tant que ça, en voyage. Cette année, j'ai besoin de lenteur, plus que jamais. J'ai eu une année scolaire très remplie, l'an dernier. À ma relation d'aide et à mon enseignement réguliers, se sont ajoutées de la rédaction et la préparation du voyage que je suis en train de vivre et d'un voyage en Espagne et au Portugal avec mes chers étudiants. J'ai souvent travaillé la fin de semaine. Le 1ier janvier, j'étais au poste, à mon Second Cup sur Gréber, à rédiger des activités portant sur le sommeil, alors que, paradoxalement, j'ai fait de l'insomnie toute l'année. Bref, j'ai été pas mal stressée. Enfin, plus que d'habitude. Je réalise donc que j'ai besoin de m'arrêter et de ne pas me dépêcher. M'asseoir devant l'océan durant des heures ou marcher lentement en prenant des centaines de photos de fleurs. Écrire, regarder le ciel et sourire aux gens. Des fois, visiter une expo. Niaiser sur Facebook, lire le journal durant de longues minutes. Ne pas être productive. Je pense que si j'ai un peu mon voyage de mon voyage, c'est parce que nous avons passé trop de temps en groupe organisé. Il faut se lever tôt, se dépêcher, ne rien oublier, faire 13 heures de camion, être fine avec des gens qui ne m'intéressent pas toujours, même s'ils sont pour la plupart d'une extrême gentillesse. Je me sens parfois comme si j'étais dans un voyage scolaire du primaire. Pourtant, ce ne sont pas les temps libres qui manquent. C'est juste la cadence qui est trop rapide. Je serais restée au moins 2 semaines chez ce gentil couple ayant une maison au coeur des montagnes du Kerala et un autre mois ici, à Varkala, ville touristique où le temps semble s'être arrêté et où les vacanciers ne sont pas encore arrivés. Dans ces endroit paradisiaques, nous restons 2 ou 3 jours puis repartons. Pas le temps de saisir l'ambiance de l'endroit ou de réellement s'attacher aux gens de la place. Nous sommes pressés d'arriver et pressés de partir. Il nous reste une semaine à faire avec ce groupe, puis trois jours à Bangkok, et nous ferons un autre circuit avec un groupe, qui nous mènera jusqu'à Bali, à la mi-novembre. Nous serons par nous-mêmes jusqu'en janvier et nous joindrons un autre groupe, pour visiter l'Afrique. De février à juin, nous serons par nous-mêmes ou avec des amis. J'ai très hâte à cette partie du voyage. Je sais plus que jamais que je dois respecter ce que je suis profondément: une introvertie qui a besoin de lenteur. Je sais aussi que la prochaine fois que nous ferons un périple d'un an (si tout va bien, ce sera en 2019-2020!), nous aurons moins peur et voyagerons presque toujours par nous-mêmes ou avec des amis. Vous vous demandez peut-être la raison pour laquelle nous faisons autant de voyages organisés. Je pense que nous n'avions pas assez confiance en nous lorsque nous avons planifié ce voyage. Nous nous sommes dit que nous serions incapables de voyager en Afrique ou en Inde par nous-mêmes. Ce qui n'est pas faux, mais qui n'est plus totalement vrai, non plus. Nous ne sommes pas de grands aventuriers, mais nous avons de l'expérience, en tant que voyageurs, et nous sommes sûrement meilleurs que nous le croyons. C'est bien de penser à l'avenir, mais le voyage que je vis en ce moment doit être ma principale préoccupation. Pour l'instant, je vais prendre soin de moi et essayer de ne pas trop me sentir mal de me reposer, toute seule ou avec Math. Je n'ai pas à être en groupe si je ne le veux pas et cela peut même être OK de ne pas participer à des activités, parfois. Ce matin, nous sommes restés 3 heures au New Kerala Cafe J'ai bu de l'excellent lemon tea et ai lu au complet le Times of India et le Hindustan Times. Le bonheur total. Cet après-midi, j'ai écrit, lu et mis des photos sur Facebook. Je sens que je vais mieux et je ne ressens plus la chaleur, grâce au ventilateur qu'un gentil serveur a allumé, juste pour moi. Il y a aussi une partie de mon fardeau qui s'est allégé, en vous écrivant. Je sais maintenant que ce voyage est le mien. Je suis chanceuse, j'ai mon voyage. Et je suis encore en train de découvrir pourquoi je le fais.

Commentaires

Chantal L. a dit…
Caro, tout simplement pour te dire que je comprends ton questionnement. Il est normal de s'ennuyer de la maison lors d'un long périple. Toutefois, tu sais savourer le moment présent. Dis-toi que tu serais contente de revenir, mais dès le lendemain de ton retour, tu désirais repartir... Je t'assure! Quand on aime voyager, l'ailleurs nous manque quand on retombe dans la routine. L'ailleurs de découvertes... de différences. Profite de ce beau «trip». Le voyage est et se doit d'être surtout un voyage intérieur. Je pense que tu es pile dedans! :) Il est bien de s'interroger et de prendre conscience de nos limites et nos forces. Bisous!
hiver a dit…
Avec cette température, je suis avec toi de tout coeur! Quand j'écoute mes amies me raconter leur voyage organisé, je suis fatiguée juste à les écouter. J'ai l'impression que c'est le meilleur contexte pour ne pas vivre à son rythme. Je te souhaite bon courage pour les autres de ce genre. Concentre toi sur toutes les minutes qui t'appartiennent et nourris toi pour la suite. Il reste que le défi d'adaptation que pose votre aventure demande une énergie bien au-delà de la normale. Peut être vas tu apprendre davantage où sont tes limites et surtout jusqu'à quel point tu veux sortir de ta zone de confort, délimiter ta zone d'aventure et bien voir ta zone dangereuse, celle où il vaut mieux ne pas aller. Ça te servira au retour pcq ces 3 zones sont tout aussi présentes dans notre quotidien le plus ordinaire. Bonne suite. xo
Anonyme a dit…
Je dois vous dire, chère Madame Saint-Jacques, que la lecture de votre blogue vaut bien de se faire un Kraft Dinner micro-onde à minuit le soir.

Passez un excellent voyage et surtout prenez votre temps :)

Marc-Antoine

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