À la Gaulette, le petit village où nous demeurons jusqu'à demain, il n'y a pas grand chose: quelques snacks, une cabane de pêcheurs, une école, une petite bibliothèque. Le plus grand commerce est, de loin, une belle épicerie. On y trouve de tout: du fromage Caprice des dieux, des Tim Tam, du Bordeaux, du sirop d'érable, des chips Tyrrels, autant que de sublimes ananas et du délectable café de l'Ile. J'y suis allée à peu près tous les jours depuis notre arrivée. C'est devenu mon Métro Limbour. Comme dans toute bonne épicerie, de la musique y joue un peu trop fort. Cette semaine, soit des grands succès des années 80 ou du hip hop se faisaient entendre: rien de trop dépaysant.
Je suis allée y faire ma visite quotidienne hier. En arrivant dans le stationnement, j'entends "Let it snow, let it snow, let it snow", après c'est "Vive le vent", puis toutes sortes de chansons faisant, l'une après l'autre, l'apologie de l'hiver au froid. Quel truc ridicule, me suis-je dit. Cela m'a rappelé une autre scène d'épicerie. Nous sommes au IGA de Wynnum, dans le Queensland, état le plus chaud d'Australie. Comme vous le savez sûrement, c'est le début de l'été là-bas. Qu'est-ce que je vois, près des caisses? Des flocons de neige de papier! Je suis certaine que les gens de cet état n'ont jamais vu de ces flocons tomber chez eux, même en hiver. Pourtant, ils écoutent autant que nous "I dreaming of a white Christmas, just like the ones I use to know". Quoi, ils rêvent de retrouver des Noëls qu'ils n'ont jamais vécus? Je n'y comprends rien.
Que fête-t-on en Australie et à Maurice? Le début de la saison froide américaine, canadienne, française ou anglaise? Je n'en sais rien. Peut-être veut-on faire plaisir aux touristes qui ont besoin de leur dose annuelle de Petit Papa Noël et d'Enfant au tambour. Peut-être aussi que de souhaiter vivre Noël sous la neige et au froid est un archétype, quelque chose que les humains veulent naturellement trouver ou qu'ils ont appris à désirer, en regardant, à la télé ou au cinéma, des classiques du temps des Fêtes. À mon avis, ce qui est plus sain, c'est d'aimer et d'apprécier le Noël que nous avons la chance de vivre. J'ai beaucoup apprécié cette pub australienne qui met en scène des Pères Noël qui font du surf. Voilà qui est réaliste en Australie, faire du surf. Ce l'est beaucoup plus que de se dire que le Père Noël doit rentrer vite vite, car sinon il va avoir si froid, lorsqu'il fait 40 avec le facteur humidex, non?
Comme c'est la tradition dans ce blogue, je vais un peu vous parler de moi. C'est bien beau de dire aux Australiens et Mauritiens qu'ils devraient apprécier ce qui leur est offert, mais suis-je capable de faire de même? Je n'en suis pas si certaine. Plus d'une fois, je me suis chanté ce Blue Christmas, d'Elvis, cette semaine:" You'll be doing allright, with your Christmas of white, but I'll have a blue, blue Christmas..." Oui, j'ai un Noël bleu cette année. Quand je me lève le matin, la première chose que je regarde, par la fenêtre de ma cuisine, c'est la couleur de la mer que je vois, au loin. Elle est parfois pâle, parfois turquoise, parfois foncée. C'est toujours magnifique. Devant mes yeux, j'ai actuellement une belle piscine dans laquelle j'irai me baigner tantôt. Il fait chaud pas mal tout le temps et le blanc de la neige de mon pays me semble très loin. Le bleu, lui, il est là, tout le temps.
Je suis nostalgique et j'ai un peu les bleus, ces jours-ci. Rien de trop grave. C'est la première fois que je passe Noël sous les tropiques, après tout. Oui, oui, je me chante aussi parfois "I wish I had a river, that I could skate away on". Pas parce que je voudrais me sauver tant que ça, surtout parce que j'aimerais patiner dans le gros "frette" sur le Canal Rideau et me prendre une tasse de café Starbucks après. Ici, je passe le plus clair de mon temps à lire d'excellents romans, mais j'aimerais lire dans ma chambre de St-André, après que tout le monde ait déballé ses cadeaux. Je ne suis pas une fan finie de Noël. C'est une grosse période de l'année: correction, cadeaux, partys qui se multiplient, mais je m'ennuie de certaines petites choses, comme d'aller au cinéma du AMC Forum avec Math et Nancy trois fois dans la même journée ou au Colossus, le 26, avec mes soeurs. J'aime aussi regarder la neige tomber, assise en dedans, au chaud. Il y a quelque chose de réconfortant à être en dedans lorsque la nature se déchaîne et qu'il fait froid, dehors. Oui, j'imagine que je rêve aussi, comme les Mauritiens et Australiens, à un Noël blanc.
La leçon que je tire de tous cela est simple: je ne peux pas tout avoir. Je ne peux pas vivre un voyage extraordinaire d'un an autour du monde et être chez moi à Noël. Ça ne marche pas. C'est impossible à concilier. C'est comme souhaiter se promener dans une carriole emmitouflés et vivre dans le Queensland où il fait pas mal tout le temps chaud. Non, "I won't be home for Christmas", mais je suis à l'Ile Maurice et je serai en Afrique du Sud demain, par contre. Et je serai au Maroc, en Espagne, au Portugal, en France,en Grèce, en Autriche, en Belgique et au Pays-Bas ce printemps. Et je ferai du camping en Afrique en janvier et février. Cette expérience me fait encore peur, mais c'est un défi que j'aurai à relever. Non, je ne verrai pas de neige, mais je n'aurai pas non plus à en pelleter et à déneiger mon auto, à 7h30 du matin.
Ce sera une journée de Noël tranquille. Nous irons à un petit party chez des amis de Corrina, notre gentille proprio. Ce soir, nous nous ferons un petit souper puis nous ferons nos bagages. Nous partons pour Cape Town demain. Il ne neigera pas et ce sera correct. Je ne serai pas à la maison pour Noël, mais j'y serai l'an prochain, promis. Je finis par ces paroles d'une de mes chansons de Noël préférées, universelle car elle ne parle ni de neige, ni de froid, mais de paix:
A very merry Christmas
And a happy New Year
Let's hope it's a good one
Without any fear
And so this is Christmas
For weak and for strong
For rich and the poor ones
The road is so long.
And so happy Christmas
For black and for white
For yellow and red ones
Let's stop all the fight
A very merry Christmas
And a happy New Year
Let's hope it's a good one
Without any fear.
Oui, je vous souhaite un Noël blanc, bleu, vert ou n'importe quelle couleur, pourvu qu'il soit en paix. C'est ce que tout le monde devrait pouvoir vivre, tous les ans.
Commentaires
peut-être que cette bulle particulière dans laquelle nous vivons finit par faire un peu de nous qui nous sommes...
peut-être qu'il y a plus de racines qui nous rattachent à notre chez nous que nous croyons...