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L'art du voyage

Avouez que vous n'avez pas cru pas deux secondes que Mathieu et moi étions pour faire de la bicyclette cette fin de semaine. Vous aviez bien raison! Pourtant, j'étais bien décidée cette fois. Dans mes plans, nous allions vendredi sur Richmond à Ottawa nous acheter un "rack" pour l'auto et nous faisions des Lance Armstrong de nous-mêmes samedi matin. Mauvais calcul: le dépositaire de supports fermant à 19 h, nous n'avons pu nous y rendre. Pas de support, pas de randonnée près du Canal.Autour de chez nous? Je vous disais que je n'aimais pas les côtes. Dans mon quartier, il n'y a que ça. Mon beau plan était donc foutu. Ne soyez pas déçus, chers 3 ou 4 fidèles lecteurs, nous avons fait encore mieux, samedi soir: nous avons marché.


Après avoir blogué, mangé, blogué, lu et encore blogué, nous sommes partis vers 20 h, direction Glebe. Et là, nous avons marché près du canal Rideau. Qu'Ottawa était belle par ce soir d'août pas trop caniculaire. Des petits canards nageaient dans une eau calme et paisible, des joggers motivés nous dépassaient, des jeunes fumaient du pot sans trop s'inquiéter des conséquences. J'aime bien le Canal animé des samedis bruyants et glaciaux de février, lorsque les queues de castors full cassonade côtoient les petits gars qui pleurent parce qu'ils ont essayé de patiner un peu trop vite, un peu trop tôt. Mais j'aime aussi le Canal en robe d'été juste assez colorée; le Canal désert qui est ignoré des touristes lorsque les tulipes cessent de fleurir. J'aime bien le Canal hors saison.

Nous avons donc marché, du Glebe jusqu'au centre-ville. Nous avons parlé de l'année qui s'en vient et de ce grand voyage que nous préparons pour 2007-2008. Au Chapters, je me suis acheté The Art of Travel d'Alain de Botton. Vous le connaissez? C'est ma soeur Kine qui m'a permis de découvrir ce philosophe qui parle de l'art de voyager.

Pour ce brillant penseur suisse, nous passons beaucoup de temps à nous demander où nous irons mais trop peu de temps à nous demander pourquoi nous voyageons. Aussi, nous entretenons des attentes complètement irréalistes face au périple que nous entreprenons.Celles-ci sont rarement réalisées car basées sur des informations partielles. Je vois une affiche de palmiers et de l'eau d'un azur incroyable, je désire m'exiler sur une île des Caraïbes. Je m'achète un billet et arrivée là, je me rends compte que l'île, c'est vraiment pas le poster de palmiers qu'on m'a vendu mais plutôt un hôtel rempli de québécois bruyants qui commencent à boire à 10 heures du matin et parlent de leurs VTT et de leur motomarine mauve et rose, comme le coucher de soleil qu'ils manqueront.

Pour de Botton, il ne faut pas arrêter d'avoir des attentes, il faut seulement prendre conscience que l'expérience sera différente de ce que nous avions anticipé. Et c'est là la beauté du voyage. Je me suis dit cela en marchant près du Canal au crépuscule. Toute la semaine, je me voyais partir d'un bon matin et la conquête du sentier ensoleillé et je me chantais cette vieille chanson d'Yves Montant " A bicyclette". Finalement, j'ai pu, grâce aux aléas de la vie, découvrir un Canal insoupçonné.

Pour mon nouveau philosophe préféré, nous ne sommes pas autres en voyage, nous gardons nos défauts, nos craintes et nos illusions. Parfois, ceux-ci sont même accentués par la fatigue et le stress, ce qui fait que nous pouvons arriver devant un chef-d'oeuvre de Botticelli ou un canal vénitien et ne vouloir qu'entrer à la maison afin de regarder Friends en reprise. J'ai voyagé pendant les dernières années sans trop réfléchir au voyage. J'ai été fatiguée en Irlande, déprimée en Italie, confuse à Vancouver et à chaque fois je ne comprenais pas que le voyage et les sites magnifiques ne me guérissaient pas magiquement de mes névroses. Je les ai traînées avec moi, comme mon sac à dos et ma lampe de poche.

Bon, grand détour philosophique pour une petite histoire de randonnée de vélo manquée. J'ai un "rack" maintenant (merci Mom) et ma randonnée s'en vient. Elle sera juste différente de ce que j'avais prévu. Et c'est bien OK comme ça.

Pour vous remercier de m'avoir lue jusqu'au bout, une fleur, tirée
du jardin de mes parents.

Bien sûr, je serai très heureuse de partager avec vous au sujet de l'art de voyager. J'attends vos commentaires et vos récits de voyage (intérieurs ou extérieurs).

Commentaires

Anonyme a dit…
Cette réflexion sur le voyage a plein de bon sang, pis d'l'allure! Mon père continue encore à "digérer" un voyage au Paraguay, voyage pour visiter mon frère, voyage qui l'a marqué beaucoup. Malgré les difficultés, la barrière de la langue, de la température et de la position du soleil à midi, cette expérience a été positive et surement que maintenant, il apprécie encore plus l'ordre et la prévisibilité de son coin de pays... :)

Je n'ai pas vraiment de voyages à mon actif. Je n'ai pas encore non plus l'expérience, les outils et la sagesse pour vraiment les apprécier: les risques, l'incertitude, l'inconfort, la sur(et la sous) planification... je ne me connais pas encore assez pour vivre le voyage pleinement... Ma connaissance du monde est orientée vers le climat politique, économique, les relations frontalières, l'activité terroriste, pour ne nommer que cela. Je ne me vois pas comme un voyageur avec son sac à dos, partant à l'aventure... J'espère qu'il existe des avenues de voyage à ma portée... :)

Pour toutes vos fatigues, confusions et névroses, j'envie votre capacité à envisager le voyage, à le risquer... :)
Anonyme a dit…
Salut Caro,

Je suis convaincu que cette lecture va te faire profiter encore plus de tes prochains voyages.

Un truc qui m'aide beaucoup depuis des années est une planification légère laissant place aux imprévus. Je n'aime pas mes journées bien remplies à l'avance. Une autre façon est de laisser les choses venir à moi sans les anticiper. On évite les déceptions et on se fâche moins devant les contraintes non-planifiées. C'est quand j'ai de la place à l'improvisation que je me trouve le plus heureux.

Claude
Anonyme a dit…
Mes meilleures expériences de voyage ont été celles où j'avais une entrée directe avec les gens du pays que je visitais. Jouer au rummy avec des copains à Rotterdam, fêter le Divali avec mes voisins à l'Ile Maurice, jouer aux cartes avec mon ami Agabus à Koudougou... Plus ça va, moins j'apprécie les survols dans des "musées à ciel ouvert" où tout est pensé en fonction des touristes. Comme dans la vie "normale", on a besoin d'un sens pour apprécier un voyage.

L'aspect environnemental des voyages me concerne aussi. Dans The End of Elsewhere, Taras Grescoe relève l'importante question des émissions de gaz à effet de serre par les transports aériens.
Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blogue.

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